Rone à propos de "Bora", d'Agoria et d'Alain Damasio

Publié le par joe

"Bora" de Rone, sur le label InFiné.


La première fois que j'ai entendu "Bora", le morceau d'Erwan Castex (alias Rone),
je suis tombé sous le charme. Minimal techno/ambient au poil, du genre à vous bercer tendrement l'oreille et à vous transposer ailleurs. La première fois que j'ai entendu "Bora" sur le mix At The Controls, d'Agoria, je me suis demandé qui était ce type halluciné qu'on entend parler... Je me suis demandé, c'est qui ce type qui parle de La Horde du Contrevent. Serait-ce son auteur, Alain Damasio ? J'avais beaucoup apprécié son roman (ma chronique
ici).  Après un aller direct sur Myspace, j'ai posé mes questions à Rone... Je le remercie d'avoir répondu, et j'espère qu'il continuera à traduire en sons les univers qu'il traverse. Son premier maxi, "Bora", sorti récemment (sur le label InFiné) est en écoute ici. On peut y entendre aussi les rafraichissants Flesh, Spanish Breakfast et Dry.

Tu as déjà réalisé des court-métrages, comme Dieu n'a pas d'yeux pour La Zone du dehors [DVD vendu avec le romain d'Alain Damasio]. Quand as-tu commencé à composer ?


Je faisais beaucoup de musique à l'adolescence, du hip-hop surtout, avec des mix-tapes sur lesquelles j'invitai des rappeurs à venir balancer leurs textes. Puis, vers 17-18 ans, j'ai commencé à composer de la musique électronique. Je passais des nuits blanches dans ma chambre à découvrir et à expérimenter les logiciels. Plus tard, sur le tournage de Dieu n'a pas d'yeux [co-réalisé avec Ludovic Duprez], je m'y suis remis; je faisais du son dès que je trouvais une petite pause. J'ai ensuite rencontré Lucy, qui m'a beaucoup appris techniquement. On a travaillé ensemble sur quelques-unes de ses premières sorties et nous avons finalement fait le maxi "Continuity theory" pour le label Curle.

Y a-t-il des passerelles entre l'univers de la science-fiction et la musique que tu composes ?

Pas directement non. Mais il y a sûrement une influence très forte du roman d'Alain Damasio, La Zone du dehors, sur le maxi "Bora". J'ai d'ailleurs utilisé sa voix sur ce titre.

Justement, à propos, de ce morceau "Bora", de quel enregistrement de Damasio s'agit-il ?

Quand Damasio s'est isolé dans une maison en corse pour écrire son deuxième roman, La Horde du contrevent, il s'est enregistré sur un petit magnétophone. C'est un peu comme un journal intime... il avait pris l'habitude de se parler à lui même pour lutter contre la solitude, parcequ'il s'est réellement (et volontairement) coupé du monde extèrieur pendant presque neuf mois pour se consacrer à son livre.
Sur ces enregistrements, étranges et fascinants, il se donne des conseils pour le futur (du genre "n'oublie jamais..." ou "souviens toi plus tard..."). Il y a des moments durs, de découragements, et des moments d'énergie pur, d'enthousiasme, de puissance, comme sur l'extrait que j'ai utilisé sur "Bora" et qui me touche encore beaucoup. J'ai récupérer les cassettes qui n'ont jamais été destinées à être diffusées et il a accepté que j'en fasse un morceau.
 


Pourquoi avoir voulu "emprunter" la voix de cet auteur" ?


D'abord parce que j'ai été très touché par cette rencontre... où plutôt par "ces" rencontres: l'homme, son livre et ses idées. Et puis ce passage "Il n'y a pas de secrets, il faut que tu t'isoles, plus les gens seront loin de toi et plus ton univers sera vaste..." me parlait beaucoup. Je m'isole souvent moi-même pour travailler en profondeur la musique. C'est parfois difficile, mais il peut en sortir de très belles choses... c'est un petit sacrifice.

Quelles sont tes sources d'inspiration ?

Je crois que j'en ai pas vraiment conscience et c'est très bien comme ça. J'aimerais beaucoup faire des musiques de film parce que ça peut être intéressant de s'inspirer directement d'une image, d'une scène ou d'un personnage... mais j'aime aussi l'idée que les choses nous échappent, ne pas savoir d'où elles proviennent: ça c'est toujours un peu déroutant  et mystérieux pour moi, et ça me plaît. Damasio me disait: "Le problème ce n'est pas l'inspiration, c'est l'expiration" et c'est vrai : notre œuvre préexiste en nous. Le problème consiste à la découvrir.

Comment Agoria a-t-il pris "Bora" pour son son mix "At the controls" ? Vous connaissiez-vous déjà ?

Non, c'est allé très vite. Il a entendu le morceau qui lui a beaucoup plu et il m'a proposé de le mixer dans sa compilation. Ensuite je l'ai rejoint sur son label InFiné. C'est un peu devenu mon parrain, il me soutient et m'encourage. Je l'appelle "le patron" (rires).

Depuis que le maxi de "Bora" est sorti le 11 février dernier, il a reçu un accueil enthousiaste. Songes-tu à l'écriture d'un album ?

C'est déjà en prévision, pour le label InFiné. Avant, je vais d'abord sortir quelques maxis, mais j'y pense déjà beaucoup. C'est très excitant parce que je pense à l'album comme un tout, une globalité, une histoire qu'on raconte en prenant son temps... et puis j'ai le sentiment qu'il y a plus de liberté que sur un maxi: il y a quand même des contraintes dans la production de disques de 2 ou 4 titres: il faut souvent une efficacité immédiate, un tube dancefloor... C'est pour cela que j'aime les face B, il y a souvent un petit bijou caché derrière le gros hit.

Tu as joué récemment avec Agoria, au Rex, à Paris. Quand te verra-t-on la prochaine fois en club ?

Là je suis plutôt en phase "production de sons"... mais on vient de mettre en contact avec une agence de booking qui devrait bientôt me faire tourner en France et à l'étranger. A suivre...



* Rone sur Myspace et sur Last.fm
* Le roman La Horde du Contrevent vu par Pat sur le site Cafard Cosmique.

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